Une seule station-service dessert les 80 kilomètres de route qui mènent à Turka.
Les conducteurs préfèrent ne pas emprunter ces chemins de peur d'endommager leur véhicule, les investisseurs craignent eux de perdre de l'argent au gré des nids de poule. Pourquoi investir dans une région si mal désservie ? Peter Kosachevych a même tenté de sensibiliser au problème Peter Yatsik, un riche homme d'affaire canadien d'origine boyko. Ce dernier a décliné. Il avait déjà financé d'autres projets qui n'ont jamais vu le jour et son argent avait disparu dans quelque trou noir de l'administration à Kiev.
Rouslan Kandybor est responsable de l'entretien des routes de toute la région de Lviv depuis plus de dix ans. Il se souvient qu'en 2012, un espoir était né. Cette année là, le Championnat d'Europe de football avait été co-organisé par l'Ukraine et la Pologne, et Lviv avait été nommée ville-hôte, au même titre que Kiev, Kharkiv et Donetsk. Les promesses avaient alors fleuri, l'argent s'était mis à couler à flot de Kiev vers Lviv, du budget central vers le budget local de l'administration. Mais tout a été dépensé dans la réfection des routes de la principale ville de la région, Lviv, où l'on construisait alors un stade ultra-moderne. Après tout il fallait bien emmener les supporters européens, du centre-ville, de l'aéroport, jusqu'à leurs sièges dans les gradins...
Mais à Turka, on n'a pas vu une seule hryvna de l'Euro. Les tracés secondaires tels que Lviv-Turka n'ont évidemment pas pu bénéficier de l'aubaine financière. Pire, de nombreuses petites entreprises ayant travaillé sur ces chantiers à Lviv n'ont jamais été intégralement payées par l'Etat pour le travail effectué, beaucoup ont fait faillite. Alors dans la région, l'Euro 2012 a parfois laissé un souvenir amer.